Sur l’ouverture de l’entretien clinique

PAR CHRIS WORSFOLD

Pour retrouver l’article original (VO) : cliquez ici

Traduit pour l’Agence EBP par Nolwenn POQUET et Julien LOUIS (blogdukine.fr)
Relecture : Guillaume DEVILLE

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J’ai entendu de magnifiques phrases d’ouverture flotter à travers les fins paravents (comme si le caractère privé d’une consultation était juste visuel) quand je travaillais comme kiné à la NHS, mais rien ne battra « pouvons-nous partager une histoire ? » - un froncement de sourcil intrusif pour démarrer je présume – prononcé à la fin des années 90 par un fervent adepte précoce des dimensions psycho-sociales de notre travail.

Mais où et comment devrions-nous commencer nos consultations ; et cela a-t-il une importance ? Est-il possible que les premiers mots de notre consultation aient une plus grande importance que nous l’imaginons ? Et est-ce que nos premières phrases marmonnées ont des implications sur la suite de la « thérapie » tout entière ?

Roberts and Langridge (2018) ont récemment noté que, de manière surprenante, la littérature n’a accordé que peu d’attention à la « meilleure » façon d'ouvrir une consultation clinique. Toutefois, une étude apporte au moins un éclairage sur la variété et les «ouvertures» préférées utilisées par les kinésithérapeutes.

Chester et al (2014) ont enregistré 42 premières consultations (et 17 consultations de suivi – mais nous ne parlerons pas de celles-ci bien qu’elles soient toutes aussi intéressantes) entre des kinésithérapeutes diplômés et des personnes souffrant du dos, dans un service musculo-squelettique pour adultes, lors de consultations externes de première intention.

Les auteurs ont identifié onze questions d’ouverture différentes. Ces onze variantes ont ensuite été utilisées pour déterminer les préférences des cliniciens. Une enquête nationale a été conduite avec l’aide d'un large éventail de réseaux professionnels en kinésithérapie (Médecine du Sport, Orthopédie, Thérapie du Massage et des Tissus Mous et Gestion de la Douleur).J’ai entendu de magnifiques phrases d’ouverture flotter à travers les fins paravents (comme si le caractère privé d’une consultation était juste visuel) quand je travaillais comme kiné à la NHS, mais rien ne battra « pouvons-nous partager une histoire ? » - un froncement de sourcil intrusif pour démarrer je présume – prononcé à la fin des années 90 par un fervent adepte précoce des dimensions psycho-sociales de notre travail.

Mais où et comment devrions-nous commencer nos consultations ; et cela a-t-il une importance ? Est-il possible que les premiers mots de notre consultation aient une plus grande importance que nous l’imaginons ? Et est-ce que nos premières phrases marmonnées ont des implications sur la suite de la « thérapie » tout entière ?

Roberts and Langridge (2018) ont récemment noté que, de manière surprenante, la littérature n’a accordé que peu d’attention à la « meilleure » façon d'ouvrir une consultation clinique. Toutefois, une étude apporte au moins un éclairage sur la variété et les «ouvertures» préférées utilisées par les kinésithérapeutes.

Chester et al (2014) ont enregistré 42 premières consultations (et 17 consultations de suivi – mais nous ne parlerons pas de celles-ci bien qu’elles soient toutes aussi intéressantes) entre des kinésithérapeutes diplômés et des personnes souffrant du dos, dans un service musculo-squelettique pour adultes, lors de consultations externes de première intention.

Les auteurs ont identifié onze questions d’ouverture différentes. Ces onze variantes ont ensuite été utilisées pour déterminer les préférences des cliniciens. Une enquête nationale a été conduite avec l’aide d'un large éventail de réseaux professionnels en kinésithérapie (Médecine du Sport, Orthopédie, Thérapie du Massage et des Tissus Mous et Gestion de la Douleur).

Une sélection des questions d’ouverture utilisées par les kinés de Chester et al (2014)

Une sélection des questions d’ouverture utilisées par les kinés de Chester et al (2014)

La question d'ouverture privilégiée pour une première consultation parmi les kinésithérapeutes ayant répondu était : " Voulez-vous juste me parler un petit peu de votre problème pour commencer ?" Bien que dans cette étude le taux de réponse à l'enquête était faible, l’article a apparemment généré beaucoup de débats.

Je ne sais pas pour vous, mais certaines de ces phrases d'ouverture me mettent plutôt mal à l'aise : parler d’une « petite discussion » et d'un « petit peu de votre problème » sont difficilement suggestifs d'une grande discussion à venir. Personnellement, j'ai habituellement tendance à ouvrir avec un « alors, quelle est votre histoire ? » et ensuite je reste assis en silence jusqu'à ce que le récit soit complètement épuisé, avant d'engager la conversation.

Le médecin et écrivain John Launer a également discuté des ouvertures dans son merveilleux livre intitulé « Narrative-Based Practice in Health and Social Care » (2018). Il suggère qu'il n'y a aucune raison d'éviter l'une des questions classiques, telles que "Comment puis-je vous aider ?", mais il conseille de ne pas utiliser les formulations telles que " Quel est le problème ?". Il considère que cela « ferme déjà des possibilités - par exemple, il est possible qu’il n’y ait pas de problème et il est également possible qu’il en existe plusieurs» .

Il note également que les conseillers et coachs expérimentés commencent souvent leurs rendez-vous avec la question : « Qu’espérez-vous retirer de notre conversation aujourd'hui ? » Utiliser cette formulation peut faire gagner beaucoup de temps, qui serait autrement perdu à faire fausse route, et la réponse est d’ailleurs souvent assez inattendue, note-t-il (Launer 2014). Dans un autre article fascinant - « La consultation de trois secondes » - Launer (2009) passe plus d'une heure à examiner les trois premières secondes d'une consultation enregistrée - concluant que les meilleures conversations, qu'elles soient sociales ou professionnelles, sont libres de toute attente sur la direction qu’elles doivent prendre.

Rita Charon - dans son livre "Narrative Based Medicine" - décrit utiliser " dites-moi ce que vous pensez que je devrais savoir à propos de votre situation", suivi d’"un engagement à écouter et à ne pas écrire ni parler".

Charon décrit comment le fait de renoncer à l’envie de diriger l’entretien l'amène à s’imprégner de ce qui est dit sans « embrouiller les récits avec ma propre forme d’histoire ». Elle décrit une écoute « aussi attentionnée que possible. » En effet, Charon cite des travaux suggérant que la chaleur et l'intimité entre clinicien et patient n’ont pas tendance à se construire avec le temps, mais atteignent le niveau qu'ils atteindront lors du premier rendez-vous.

Et que faisons-nous après la réponse initiale à notre ouverture ? Selon Roberts & Langridge (2018), les kinésithérapeutes interrompent les patients pendant qu'ils répondent à leur question initiale dans 60% des cas ! Marvel et al (1999) ont constaté que près de la moitié des patients étaient interrompus lorsqu'ils décrivaient leur problème et – je vous le donne en mille - les patients ne disposaient que de 23,1 secondes en moyenne pour décrire leur problème avant d'être interrompus. Mais combien de temps faut-il à une personne pour décrire son problème ? Langewitz et al. (2002) ont rapporté que les gens mettaient en moyenne 92 secondes pour expliquer leur problème lors d’une consultation en ambulatoire (s'ils ne sont pas interrompus !).

Peter O'Sullivan a évoqué les avantages de rester silencieux après sa phrase d’ouverture « racontez-moi votre histoire ». Il dit « chaque personne qui vient me voir a une histoire. Généralement dans cette première minute vous allez entendre quelque chose de très important à propos de leur histoire - si vous ne dites rien - et cela vous mènera sur une voie intéressante. '( Podcast Pain Reframed 2017 ).

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Alors, quelle que soit l’ouverture que vous choisissez - taisez-vous et retenez votre langue cher clinicien et ECOUTEZ DE TOUTES VOS FORCES !

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Bibliographie

Charon, R 2006 Narrative Medicine: Honoring the Stories of Illness

Chester, E.C., Robinson, N.C., Roberts, L.C., 2014. Opening clinical encounters in an adult musculoskeletal setting. Man Ther, 19, 306-10

Langewitz, W., Denz, M., Keller, A., Kiss, A., Rütimann, S., Wössmer, B., 2002. Spontaneous talking time at start of consultation in outpatient clinic: cohort study. , 325 (7366), 682-3.

Launer J (2009) ‘The Three Second Consultation’ Postgrad Med J 2009;85:560

Launer J (2014)’Good Questions’ Postgrad Med J 2014;90:121–122

Marvel, M.K., Epstein, R.M., Flowers, K., Beckmanm H.B., 1999. Soliciting the patient’s agenda: have we improved? JAMA., 281 (3), 283-7.

Pain Reframed Podcast ‘Caring Deeply and Dropping Your Ego’ Dr. Tim Flynn and Dr. Jeff Moore with Dr. Peter O’Sullivan

Roberts, L. and Langridge, N. (2018) Principles of communication and its application to clinical reasoning. In, Petty, N.J. and Barnard, K.(eds.) Principles of musculoskeletal treatment and management: a handbook for therapists: a handbook for therapists. (Physiotherapy Essentials) 3rd ed. Edinburgh. Elsevier, pp. 209-233.

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