L'importance des conversations hors sujet dans l'alliance thérapeutique
Comme thérapeute, il est souvent difficile de naviguer entre la frontière subtile de notre engagement professionnel et l'humanité inhérente à notre pratique. Une question que je me pose fréquemment est celle de l'importance des discussions dites "hors sujet" avec nos patients.
Dans le cadre de mes séances, je me concentre généralement sur le patient et ce qu'il vit. Le temps est consacré à comprendre et à soutenir son processus de guérison, et il n'y a guère de place pour les discussions dérivées. Pourtant, il arrive que ces échanges émergent naturellement. Un jour, par exemple, j'ai eu une conversation avec un patient sur la cueillette des champignons, un sujet qui n'avait aucun rapport avec sa rééducation a priori.
À première vue, ces discussions pourraient sembler se concentrer plus sur moi que sur les besoins des patients. Mais est-ce vraiment le cas ?
Nous pouvons nous demander si ce genre de conversation pourrait éventuellement nuire à l'alliance thérapeutique, le patient se sentant peut-être négligé, se demandant si nous sommes réellement attentifs à lui à ce moment précis. D’un autre côté, il se pourrait que ces conversations aient un effet bénéfique sur certains patients, en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à recevoir sans donner en retour.
Partager leurs connaissances et leurs expériences peut leur offrir une occasion précieuse de donner quelque chose en retour de notre aide et de notre soutien. Pour ces patients, une telle interaction pourrait renforcer leur estime de soi et leur engagement dans le processus thérapeutique.
Il convient de noter que cette réflexion ne vise pas à encourager des échanges superficiels ou distrayants, mais plutôt à souligner le potentiel de ces moments pour approfondir notre relation avec nos patients. Après tout, ce que nous recherchons, c'est une véritable alliance thérapeutique, qui n'est pas seulement une relation professionnelle, mais aussi une connexion humaine.
Il est probable que la meilleure façon de comprendre l'impact de ces discussions sur nos patients serait simplement de leur demander. Cela nécessite de trouver une formulation délicate, avec laquelle nous nous sentirions à l'aise et qui donnerait la possibilité à la personne de s'exprimer librement, sans crainte de nous décevoir et de compromettre notre désir de l'aider.
Cependant, nous devons rester attentifs. Il serait contre-productif de permettre à ces discussions de détourner l'attention des problèmes clés auxquels le patient est confronté. Il nous faut veiller à ce que ces échanges n'offrent pas une échappatoire facile à des discussions plus difficiles mais néanmoins cruciales pour son rétablissement.
Alors, en fin de compte, parler avec un patient d'un sujet totalement étranger à sa rééducation, simplement parce que ce sujet nous intéresse et semble intéresser le patient, est-ce une bonne chose ou une mauvaise chose ?
Il n'y a pas de réponse universelle à cette question. Comme pour de nombreux aspects de la thérapie, la réponse dépendra de la situation spécifique, de la personnalité du patient, de notre relation avec lui et des spécificités du processus thérapeutique. Parfois, un échange informel sur un sujet qui nous passionne peut être un outil puissant pour renforcer l'alliance thérapeutique. Dans d'autres cas, cela pourrait être perçu comme une distraction inutile ou même comme un manque de professionnalisme.
En fin de compte, il est important de rester attentif et réceptif aux besoins et aux réactions du patient. C'est à nous, en tant que thérapeutes, de trouver l'équilibre, en veillant à ce que ces conversations hors sujet servent l'intérêt du patient et favorisent son processus de guérison, plutôt que de nous détourner de notre objectif principal.
Toutefois, malgré les éventuelles complications, ne sous-estimons pas le potentiel de ces discussions informelles pour humaniser l'expérience thérapeutique et renforcer notre lien avec nos patients. Après tout, même en tant que thérapeutes, nous restons avant tout des êtres humains, et c'est cette humanité partagée qui constitue le fondement de toute alliance thérapeutique authentique et efficace.