L’influence du lien social dans la guérison des patients : une histoire neurobiologique
En tant que professionnels de santé, nous savons que le facteur social influence fortement la guérison et le rétablissement de nos patients. Pourtant, nous pouvons avoir tendance à ne pas prendre en compte l'impact que peuvent avoir les relations sociales sur la capacité de nos patients à surmonter des situations difficiles. Nous nous focalisons sur ce que nous pouvons changer nous en tant que thérapeutes. Il nous est parfois difficile d’aborder des sujets sur lesquels nous pensons ne pas pouvoir avoir d’impact. Pourtant, il est très utile d’aider un patient à comprendre les différentes dimensions qui influencent son état actuel et sa probabilité d’aller mieux. Améliorer la compréhension de la situation pour un patient, c’est l’aider à retrouver du sens et régulièrement c’est lui redonner du contrôle en lui ouvrant la possibilité de faire des choix bénéfiques.
D'après le livre 'The Art of Impossible' de Steven Kotler, notre cerveau évalue instinctivement les risques d'une situation en se basant notamment sur la qualité et la quantité de nos relations sociales. Ainsi, lorsque nous sommes confrontés à un problème complexe, comme de la douleur qui persiste, la présence de notre entourage peut augmenter significativement nos chances de résoudre cette situation problématique. Dans ce cas, notre cerveau considère la situation comme un défi intéressant plutôt qu'une menace dangereuse. Résultat : il libère de la dopamine, cette substance chimique qui nous motive et nous prépare à relever le défi.
En revanche, si nous devons affronter ce problème seul, sans soutien émotionnel ni aide extérieure, nos chances de succès diminuent et notre anxiété augmente. Au lieu de sécréter de la dopamine, notre cerveau libère des hormones de stress comme le cortisol. Or, ces substances chimiques peuvent gravement nuire à nos performances. Pour nos patients, leur capacité à mobiliser leurs ressources physiques et intellectuelles est dégradée.
Ainsi, si nous souhaitons aider nos patients à accomplir des choses difficiles, la biologie fondamentale de notre système nerveux nous recommande bel et bien d’inclure la dimension sociale. C'est particulièrement vrai pour les patients qui vivent avec une douleur persistante et invalidante. Leur capacité à guérir sera influencée en grande partie par le soutien de leurs proches.
En tant que professionnels de santé, nous devrions donc encourager nos patients à s'entourer de leurs amis et de leur famille, à partager leurs difficultés avec eux et à accepter leur aide. Car plus le patient pourra compter sur son entourage, plus son anxiété diminuera et plus son cerveau libérera de la dopamine - ce qui augmentera ses chances de guérison et de succès.
Pour les personnes isolées, nous pouvons avoir peur d’aggraver leur état psychologique et émotionnel en leur partageant cette information. Toutefois, connaitre l’importance du lien social aide régulièrement des patients à franchir le pas vers la reprise en main de leur vie sociale. En effet, ils vont parfois décider de repasser du temps avec des proches malgré leurs douleurs au lieu de rester cloitrés chez eux, ou bien enfin oser retourner passer du temps dans une association qui leur tient à coeur. En retrouvant ces activités importantes et concordantes avec leurs valeurs personnelles, l’influence de leur douleur sur leur vie diminue, et la tendance peut s’inverser pour aller vers la guérison.
En conclusion, rappelons-nous que la guérison ne se limite pas à des traitements physiques ; elle est intrinsèquement liée à notre bien-être social. En tant que professionnels de santé, intégrer l'importance des relations sociales dans nos approches thérapeutiques peut décupler les chances de récupération de nos patients. La connexion humaine est un puissant catalyseur de guérison.
Référence bibliographique :
Kotler, S. (2021). The Art of Impossible: A Peak Performance Primer. Harper Wave