🧑‍⚕️ Comprendre les crampes en 5'

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Par Flavio Bonnet

Tout le monde a déjà fait l'expérience violente et douloureuse d'une crampe aux ischios, au mollet ou, la nuit, alors que tu es paisiblement endormi·e, du fléchisseur propre de l'hallux ! 
La prévalence des crampes (sérieuses - forçant à l'arrêt de l'activité) est estimé environ à 3/1000 et des données suggèrent qu'elles sont les plus fréquentes dans les mois les plus chauds de l'année.
 

De nombreuses théories ont émergé au cours du temps pour chercher à les expliquer. 

Nous avons eu dans un premier temps la théorie de la déshydratation et du déséquilibre électrolytique. 

 Il s'agissait de la théorie selon laquelle la transpiration provoquait une contraction de l'espace interstitiel, entraînant une excitation des cellules neurochimiques et une augmentation de la pression mécanique sur les terminaisons nerveuses motrices, accompagné d'un déséquilibre électrolytique.

Pour rappel, les électrolytes courants comprennent le sodium (Na+), le potassium (K+), le calcium (Ca2+), le magnésium (Mg2+), le chlore (Cl-) et le bicarbonate (HCO3-). Ces ions sont essentiels au fonctionnement normal des cellules et jouent un rôle crucial dans de nombreuses fonctions corporelles, notamment la régulation de l'équilibre hydrique, la contraction musculaire et la conduction nerveuse.

Problème : des études ont montré qu'il n'y avait pas de différence de volume plasmatique ou de concentration d'électrolytes chez des athlètes en compétition avec et sans crampes. 
Par ailleurs, des athlètes déshydratés de 6% n'ont montré aucune modification du potentiel de membrane des cellules musculaires au repos.

Troisièmement, même si les pertes en sodium et en chlore ainsi que le taux de transpiration prédisaient les athlètes sujets aux crampes musculaires d'exercice dans le football américain, cette relation n'avait pas de lien significatif dans 10 autres sports.

Il y a également des preuves qui montrent que les athlètes sujets aux crampes consomment des volumes de liquide similaires pendant l'exercice par rapport à ceux qui ne souffrent pas de crampes.
Comme vous le comprenez, la théorie de déshydratation et du déséquilibre en électrolytes ne semble pas tenir debout

Vous le saviez peut-être déjà, et vous vous demandez ce que vous allez apprendre en lisant ce blog, n'est-ce pas ?

Je vous invite à continuer 😃


La deuxième théorie explicative a été proposée en 1997 et à été mise à jour en 2009.

Il s'agit de la théorie de la régulation neuromusculaire altérée.

Cette théorie suggère que les crampes surviennent lorsque la fatigue et d'autres facteurs de risque contribuent à un déséquilibre entre les stimuli excitatoires et inhibiteurs au niveau d'un nerf moteur.

Cette théorie est née d'observations montrant que la fatigue modifiait les taux de décharge des fuseaux musculaires et des organes tendineux de Golgi dans un modèle animal. Ces changements d'activité afférente pourraient conduire à une surexcitation des nerfs moteurs.
Lorsqu'elle a été initialement proposée, cette théorie mettait l'accent sur l'importance des altérations de l'activité afférente induites par la fatigue, entraînant une surexcitation au niveau d'un neurone moteur.

Cependant, il n'est pas clair comment la fatigue altère ce signal : et si un seuil de fatigue doit être atteint avant que les patients ne ressentent des crampes.

Ce que l'on sait, c'est que même les athlètes bien entraînés et en bonne condition physique peuvent développer des crampes.
De plus, le carnet d'entraînement ne prédit pas toujours l'apparition des crampes.
Ainsi, la fatigue ne peut pas être le seul facteur déclencheur des crampes et d'autres facteurs peuvent altérer le contrôle neuromusculaire.

D'où le nouveau modèle dit de la Théorie Multifactorielle.

Comme vous pouvez le voir sur le schéma proposé ci-dessous, la compréhension actuelle des crampes est complexe et multfactorielle.

Il est vrai aujourd'hui de dire que la déshydratation, la chaleur, les déséquilibres électrolytiques ne provoquent pas de façon isolée les crampes.

En fait ce qu'il faut comprendre dans un premier temps est qu'il y existe des individus prédisposés à subir des crampes.
Ce sont plutôt des gens âgés, pas très entraînés, qui manquent de sommeil, qui ont un prépondérance de fibres de type 2 et parfois une pathologie sous-jacente ou une médication particulière.
Ensuite viennent se cumuler : fatigue musculaire, hypo-hydratation, conditions environnementales chaudes et humides, exercice intense et prolongé. 

Dans ces conditions-là, l'ensemble des facteurs sont réunis pour une augmentation de l'activité excitatrice et une réduction de l'activité inhibitrice, ce qui va entraîner une altération du contrôle neuro-musculaire, puis la crampe.

Comme vous le comprenez, le phénomène de crampe n'est pas lié à une seule cause. Il existe une prédisposition puis des facteurs intrisèques et extrinsèques à l'individu qui vont interagir entre eux pour déclencher la crampe !

A ce stade, vous devez vous dire : "et alors ? qu'est-ce que je fais de cela ?!" 🤔

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Comment prévenir les crampes ?! 🤗

Voici une liste d'actions concrètes pour prévenir les crampes chez vos patients : 

1. Éducation des patients :

  • Informer les patients sur les causes potentielles des crampes que l'on a vues plus haut 🙂

  • Sensibiliser les patients aux pratiques d'hydratation sûres (éviter la surhydratation mais expliquer que l'hydratation varie en fonction des conditions environnementales 🥵).

 

2. Approche multifactorielle :

  • Adopter une approche multifactorielle pour la prévention des crampes, en tenant compte de divers facteurs de risque mentionnés dans le diagramme ci-dessus.

 

3. Boissons glucido-électrolytiques :

  • Considérer l'utilisation de boissons glucido-électrolytiques comme une option pour la prévention des crampes.

  • Tenir compte de la composition spécifique de ces boissons, en particulier la quantité de glucides et d'électrolytes. Les glucides sont sensés retarder l'apparation de la fatigue et donc contribuer indirectement à prévenir les crampes.
     

4. Supplémentation en électrolytes :

  • Évaluer soigneusement la nécessité de la supplémentation en électrolytes en fonction des besoins individuels de l'athlète.

  • Tenir compte des preuves scientifiques concernant la faible efficacité de la supplémentation en électrolytes.
     

5. Éviter les stimulants :

  • Éviter les boissons pour sportifs contenant des stimulants tels que la caféine, qui pourraient augmenter l'excitabilité du système nerveux et potentiellement prédisposer aux crampes.
     

6. Évaluation de l'hydratation :

  • Si l'hydratation est suspectée comme un facteur de risque, réaliser des tests de sueur pour évaluer le taux de sudation.

  • Prendre en compte la durée de l'exercice, la quantité de fluides ingérés et la perte de fluides due à la miction.
     

7. Équilibrage alimentaire :

  • Encourager une alimentation équilibrée qui répond aux besoins individuels du patient en matière de glucides, de fluides et d'électrolytes.
     

8. Entraînement neuromusculaire :

  • Considérer l'entraînement neuromusculaire comme la stratégie de prévention des crampes.

  • Veiller à s'entraîner régulièrement dans les conditions de la compétition.

  • Encourager le renforcement musculaire, en mettant l'accent sur les muscles susceptibles de causer des crampes.
     

9. Ratio travail-repos :

  • S'assurer que les patients respectent des ratios travail-repos appropriés pour éviter la fatigue excessive, un facteur présumé de développement des crampes.
     

10. Stretching :

  • Considérer le stretching statique comme une méthode de traitement des crampes, mais pas nécessairement comme une stratégie prophylactique car ça ne fonctionne pas pour prévenir les crampes.

  • Éviter de recommander le stretching statique comme seule mesure de prévention des crampes.

 

En suivant ces actions préventives, vous pouvez contribuer à réduire le risque de crampes d'exercice chez vos patients !

Référence : Miller et al. (2022)

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